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Art et spiritualité (II)

Valérie Grondin est art-thérapeute à la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris. Elle permet aux patients en fin de vie d’expérimenter une forme de création artistique. Cette rencontre à l’atelier mène à l’inattendu, à la découverte de soi voire au lâcher-prise ; c’est une ouverture possible vers l’expérience spirituelle.

En complément de cet entretien, retrouvez ici le reportage réalisé par La Croix (6 novembre 2018).

En quoi l'art est-il un facteur privilégié pour expérimenter le spirituel ?

« L’évidence principale en art, c’est le pouvoir qu’à l’œuvre de mettre l’âme humaine en vibration », c’est ce qu’écrivait Kandinsky dans Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier.

J’aime cette idée de vibration de l’âme, comme si l’âme était un matériau qui pouvait résonner au contact de l’œuvre d’art, grâce à sa forme, à ses couleurs, à sa technique, à sa représentation. L’émotion ressentie face à une œuvre peut quasiment se révéler mystique. Elle touche, émeut : le sensible est mobilisé.

Comment s'articule la notion de spiritualité dans votre pratique d'art-thérapeute ?

La notion de spiritualité est quelque chose qui n’est pas dit, il n’y a pas réellement d’intention de mettre du spirituel mais de produire une expérience. C’est la personne qui le met dans son rapport à l’expérience artistique. Pour moi, c’est « comment mettre du sens dans l’expérience ? », c’est la posture en création qui produit un changement.

A la création de sens s’ajoute le rapport à soi et aux autres et à l’instant présent. Découvrir un autre rapport à soi, notamment en devenant spectateur de quelque chose qui vient de soi … qui n’est pas un cliché radiographique ! Le fait de partager cette production artistique est également un facteur déterminant dans la création de sens.

Enfin, le temps de création constitue une toute autre temporalité : dans le processus créateur, il y a de la spiritualité. La notion d’expérience créatrice peut amener le patient à l’expérience spirituelle.

Comment décririez-vous l'expérience spirituelle dans l'art-thérapie ?

Au début de chaque séance d’art thérapie je n’ai aucune intention particulière ni aucune idée de comment va se dérouler la séance. Tout se joue dans la rencontre avec la personne, dans ce qu’elle est, dans ce qu’elle dit ou ne dit pas. Il est très rare que des personnes expriment des questionnements spirituels. Quand ils en parlent, je propose que leurs questions accompagnent la séance. L’idée n’est pas de dessiner la question mais plutôt que la consigne avec la création devienne un support d’expression et de transformation.

La séance d’art-thérapie peut aider le patient à se connecter à soi, aux autres et au moment présent, c’est-à-dire à donner du sens à son vécu. Il peut alors y trouver une dimension spirituelle s’il le souhaite ou non. La temporalité est essentielle, une séance peut ne pas forcément avoir de sens pour la personne dans l’immédiat, il lui faut parfois intégrer l’expérience en prenant du recul et / ou en se donnant du temps.

Quelle est la perception de votre atelier au sein de l'unité de soins palliatifs ?

L’atelier d’art-thérapie fait partie intégrante de l’équipe de soins. Il s’agit toutefois d’un temps choisi du soin. Il n’y a pas de contrainte, aucun plan précis n’est apposé, si ce n’est le projet de l’inconnu avec ce que cela représente ! L’inconnu dans l’expérience, c’est la rencontre qui fait quelque chose. Expérimenter l’inconnu à un autre niveau, alors même qu’ils expérimentent un temps vers la mort elle-même inconnue.

Les bénéfices pour le patient sont reconnus par l’ensemble de l’équipe. La fatigue est celle de la création et non plus celle de la douleur. Durant leurs soins, les patients auront davantage tendance à parler au personnel infirmier leur expérience à l’atelier plutôt que de leur douleur. Ceci est un bénéfice pour l’ensemble de l’équipe et traduit la volonté de prise en charge globale du patient. L’expérience à l’atelier se révèle donc pour tous un moment de vie inattendu, quel que soit son âge, on est embarqués.

D'espace de création à celui de recréation, comment l'envie permet-elle de créer un renouveau pour le patient ?

Dans le processus créatif la personne peut effectivement rejouer différemment des habitudes et recréer symboliquement un contexte déjà vécu ou au contraire faire des expériences nouvelles. Je propose souvent au patient de « partir à l’aventure » avec la création, je l’accompagne en faisant par exemple l’expérience de l’inconnu, en avançant sans savoir, sans chercher à maîtriser la technique et le résultat. C’est parfois l’occasion de découvrir des choses nouvelles et de lui permettre une forme de lâcher prise. La séance propose également de se reconnecter à la notion de désir : désir de sortir de sa chambre pour aller à l’atelier, désir de programmer une séance d’art-thérapie, désir de faire l’expérience de la création avec la couleur, la terre, les encres, les matières…, désir de communiquer sur son expérience, désir de donner à voir ses créations, désir de laisser une trace, désir de transmettre sa création.

Tous ces désirs peuvent aider à donner du sens à sa fin de vie et à se sentir vivant jusqu’au bout.

Quelle est la relation entre vous, art-thérapeute, et le patient ?

La séance d’art thérapie est basée sur la notion de confiance et sur la notion de justesse : aller à la rencontre de la personne oblige à être juste dans la temporalité, juste dans les silences, juste dans les propositions.

La première rencontre avec le patient, souvent dans sa chambre, a pour objectif de « titiller » sa curiosité, de lui donner envie de découvrir autre chose. Cette rencontre avec le projet de la séance d’art-thérapie provoque un double mouvement : un mouvement physique en venant à l’atelier et un mouvement psychique en mobilisant son attention sur une expérience créative avec les conséquences et les répercussions propres à chacun. Le transfert, et par extension de contre-transfert, sont bien évidemment au cœur des séances et de l’accompagnement.

interview

Art et spiritualité (II)

Valérie Grondin est art-thérapeute à la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris. Elle permet aux patients en fin de vie d’expérimenter une forme de création artistique. Cette rencontre à l’atelier mène à l’inattendu, à la découverte de soi voire au lâcher-prise ; c’est une ouverture possible vers l’expérience spirituelle.

En complément de cet entretien, retrouvez ici le reportage réalisé par La Croix (6 novembre 2018).

En quoi l'art est-il un facteur privilégié pour expérimenter le spirituel ?

« L’évidence principale en art, c’est le pouvoir qu’à l’œuvre de mettre l’âme humaine en vibration », c’est ce qu’écrivait Kandinsky dans Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier.

J’aime cette idée de vibration de l’âme, comme si l’âme était un matériau qui pouvait résonner au contact de l’œuvre d’art, grâce à sa forme, à ses couleurs, à sa technique, à sa représentation. L’émotion ressentie face à une œuvre peut quasiment se révéler mystique. Elle touche, émeut : le sensible est mobilisé.

Comment s'articule la notion de spiritualité dans votre pratique d'art-thérapeute ?

La notion de spiritualité est quelque chose qui n’est pas dit, il n’y a pas réellement d’intention de mettre du spirituel mais de produire une expérience. C’est la personne qui le met dans son rapport à l’expérience artistique. Pour moi, c’est « comment mettre du sens dans l’expérience ? », c’est la posture en création qui produit un changement.

A la création de sens s’ajoute le rapport à soi et aux autres et à l’instant présent. Découvrir un autre rapport à soi, notamment en devenant spectateur de quelque chose qui vient de soi … qui n’est pas un cliché radiographique ! Le fait de partager cette production artistique est également un facteur déterminant dans la création de sens.

Enfin, le temps de création constitue une toute autre temporalité : dans le processus créateur, il y a de la spiritualité. La notion d’expérience créatrice peut amener le patient à l’expérience spirituelle.

Comment décririez-vous l'expérience spirituelle dans l'art-thérapie ?

Au début de chaque séance d’art thérapie je n’ai aucune intention particulière ni aucune idée de comment va se dérouler la séance. Tout se joue dans la rencontre avec la personne, dans ce qu’elle est, dans ce qu’elle dit ou ne dit pas. Il est très rare que des personnes expriment des questionnements spirituels. Quand ils en parlent, je propose que leurs questions accompagnent la séance. L’idée n’est pas de dessiner la question mais plutôt que la consigne avec la création devienne un support d’expression et de transformation.

La séance d’art-thérapie peut aider le patient à se connecter à soi, aux autres et au moment présent, c’est-à-dire à donner du sens à son vécu. Il peut alors y trouver une dimension spirituelle s’il le souhaite ou non. La temporalité est essentielle, une séance peut ne pas forcément avoir de sens pour la personne dans l’immédiat, il lui faut parfois intégrer l’expérience en prenant du recul et / ou en se donnant du temps.

Quelle est la perception de votre atelier au sein de l'unité de soins palliatifs ?

L’atelier d’art-thérapie fait partie intégrante de l’équipe de soins. Il s’agit toutefois d’un temps choisi du soin. Il n’y a pas de contrainte, aucun plan précis n’est apposé, si ce n’est le projet de l’inconnu avec ce que cela représente ! L’inconnu dans l’expérience, c’est la rencontre qui fait quelque chose. Expérimenter l’inconnu à un autre niveau, alors même qu’ils expérimentent un temps vers la mort elle-même inconnue.

Les bénéfices pour le patient sont reconnus par l’ensemble de l’équipe. La fatigue est celle de la création et non plus celle de la douleur. Durant leurs soins, les patients auront davantage tendance à parler au personnel infirmier leur expérience à l’atelier plutôt que de leur douleur. Ceci est un bénéfice pour l’ensemble de l’équipe et traduit la volonté de prise en charge globale du patient. L’expérience à l’atelier se révèle donc pour tous un moment de vie inattendu, quel que soit son âge, on est embarqués.

D'espace de création à celui de recréation, comment l'envie permet-elle de créer un renouveau pour le patient ?

Dans le processus créatif la personne peut effectivement rejouer différemment des habitudes et recréer symboliquement un contexte déjà vécu ou au contraire faire des expériences nouvelles. Je propose souvent au patient de « partir à l’aventure » avec la création, je l’accompagne en faisant par exemple l’expérience de l’inconnu, en avançant sans savoir, sans chercher à maîtriser la technique et le résultat. C’est parfois l’occasion de découvrir des choses nouvelles et de lui permettre une forme de lâcher prise. La séance propose également de se reconnecter à la notion de désir : désir de sortir de sa chambre pour aller à l’atelier, désir de programmer une séance d’art-thérapie, désir de faire l’expérience de la création avec la couleur, la terre, les encres, les matières…, désir de communiquer sur son expérience, désir de donner à voir ses créations, désir de laisser une trace, désir de transmettre sa création.

Tous ces désirs peuvent aider à donner du sens à sa fin de vie et à se sentir vivant jusqu’au bout.

Quelle est la relation entre vous, art-thérapeute, et le patient ?

La séance d’art thérapie est basée sur la notion de confiance et sur la notion de justesse : aller à la rencontre de la personne oblige à être juste dans la temporalité, juste dans les silences, juste dans les propositions.

La première rencontre avec le patient, souvent dans sa chambre, a pour objectif de « titiller » sa curiosité, de lui donner envie de découvrir autre chose. Cette rencontre avec le projet de la séance d’art-thérapie provoque un double mouvement : un mouvement physique en venant à l’atelier et un mouvement psychique en mobilisant son attention sur une expérience créative avec les conséquences et les répercussions propres à chacun. Le transfert, et par extension de contre-transfert, sont bien évidemment au cœur des séances et de l’accompagnement.

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Documents liés

Compte-rendu de colloque

Art et spiritualité (II)

Valérie Grondin est art-thérapeute à la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris. Elle permet aux patients en fin de vie d’expérimenter une forme de création artistique. Cette rencontre à l’atelier mène à l’inattendu, à la découverte de soi voire au lâcher-prise ; c’est une ouverture possible vers l’expérience spirituelle.

En complément de cet entretien, retrouvez ici le reportage réalisé par La Croix (6 novembre 2018).

En quoi l'art est-il un facteur privilégié pour expérimenter le spirituel ?

« L’évidence principale en art, c’est le pouvoir qu’à l’œuvre de mettre l’âme humaine en vibration », c’est ce qu’écrivait Kandinsky dans Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier.

J’aime cette idée de vibration de l’âme, comme si l’âme était un matériau qui pouvait résonner au contact de l’œuvre d’art, grâce à sa forme, à ses couleurs, à sa technique, à sa représentation. L’émotion ressentie face à une œuvre peut quasiment se révéler mystique. Elle touche, émeut : le sensible est mobilisé.

Comment s'articule la notion de spiritualité dans votre pratique d'art-thérapeute ?

La notion de spiritualité est quelque chose qui n’est pas dit, il n’y a pas réellement d’intention de mettre du spirituel mais de produire une expérience. C’est la personne qui le met dans son rapport à l’expérience artistique. Pour moi, c’est « comment mettre du sens dans l’expérience ? », c’est la posture en création qui produit un changement.

A la création de sens s’ajoute le rapport à soi et aux autres et à l’instant présent. Découvrir un autre rapport à soi, notamment en devenant spectateur de quelque chose qui vient de soi … qui n’est pas un cliché radiographique ! Le fait de partager cette production artistique est également un facteur déterminant dans la création de sens.

Enfin, le temps de création constitue une toute autre temporalité : dans le processus créateur, il y a de la spiritualité. La notion d’expérience créatrice peut amener le patient à l’expérience spirituelle.

Comment décririez-vous l'expérience spirituelle dans l'art-thérapie ?

Au début de chaque séance d’art thérapie je n’ai aucune intention particulière ni aucune idée de comment va se dérouler la séance. Tout se joue dans la rencontre avec la personne, dans ce qu’elle est, dans ce qu’elle dit ou ne dit pas. Il est très rare que des personnes expriment des questionnements spirituels. Quand ils en parlent, je propose que leurs questions accompagnent la séance. L’idée n’est pas de dessiner la question mais plutôt que la consigne avec la création devienne un support d’expression et de transformation.

La séance d’art-thérapie peut aider le patient à se connecter à soi, aux autres et au moment présent, c’est-à-dire à donner du sens à son vécu. Il peut alors y trouver une dimension spirituelle s’il le souhaite ou non. La temporalité est essentielle, une séance peut ne pas forcément avoir de sens pour la personne dans l’immédiat, il lui faut parfois intégrer l’expérience en prenant du recul et / ou en se donnant du temps.

Quelle est la perception de votre atelier au sein de l'unité de soins palliatifs ?

L’atelier d’art-thérapie fait partie intégrante de l’équipe de soins. Il s’agit toutefois d’un temps choisi du soin. Il n’y a pas de contrainte, aucun plan précis n’est apposé, si ce n’est le projet de l’inconnu avec ce que cela représente ! L’inconnu dans l’expérience, c’est la rencontre qui fait quelque chose. Expérimenter l’inconnu à un autre niveau, alors même qu’ils expérimentent un temps vers la mort elle-même inconnue.

Les bénéfices pour le patient sont reconnus par l’ensemble de l’équipe. La fatigue est celle de la création et non plus celle de la douleur. Durant leurs soins, les patients auront davantage tendance à parler au personnel infirmier leur expérience à l’atelier plutôt que de leur douleur. Ceci est un bénéfice pour l’ensemble de l’équipe et traduit la volonté de prise en charge globale du patient. L’expérience à l’atelier se révèle donc pour tous un moment de vie inattendu, quel que soit son âge, on est embarqués.

D'espace de création à celui de recréation, comment l'envie permet-elle de créer un renouveau pour le patient ?

Dans le processus créatif la personne peut effectivement rejouer différemment des habitudes et recréer symboliquement un contexte déjà vécu ou au contraire faire des expériences nouvelles. Je propose souvent au patient de « partir à l’aventure » avec la création, je l’accompagne en faisant par exemple l’expérience de l’inconnu, en avançant sans savoir, sans chercher à maîtriser la technique et le résultat. C’est parfois l’occasion de découvrir des choses nouvelles et de lui permettre une forme de lâcher prise. La séance propose également de se reconnecter à la notion de désir : désir de sortir de sa chambre pour aller à l’atelier, désir de programmer une séance d’art-thérapie, désir de faire l’expérience de la création avec la couleur, la terre, les encres, les matières…, désir de communiquer sur son expérience, désir de donner à voir ses créations, désir de laisser une trace, désir de transmettre sa création.

Tous ces désirs peuvent aider à donner du sens à sa fin de vie et à se sentir vivant jusqu’au bout.

Quelle est la relation entre vous, art-thérapeute, et le patient ?

La séance d’art thérapie est basée sur la notion de confiance et sur la notion de justesse : aller à la rencontre de la personne oblige à être juste dans la temporalité, juste dans les silences, juste dans les propositions.

La première rencontre avec le patient, souvent dans sa chambre, a pour objectif de « titiller » sa curiosité, de lui donner envie de découvrir autre chose. Cette rencontre avec le projet de la séance d’art-thérapie provoque un double mouvement : un mouvement physique en venant à l’atelier et un mouvement psychique en mobilisant son attention sur une expérience créative avec les conséquences et les répercussions propres à chacun. Le transfert, et par extension de contre-transfert, sont bien évidemment au cœur des séances et de l’accompagnement.

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Art et spiritualité (II)

Valérie Grondin est art-thérapeute à la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris. Elle permet aux patients en fin de vie d’expérimenter une forme de création artistique. Cette rencontre à l’atelier mène à l’inattendu, à la découverte de soi voire au lâcher-prise ; c’est une ouverture possible vers l’expérience spirituelle.

En complément de cet entretien, retrouvez ici le reportage réalisé par La Croix (6 novembre 2018).

En quoi l'art est-il un facteur privilégié pour expérimenter le spirituel ?

« L’évidence principale en art, c’est le pouvoir qu’à l’œuvre de mettre l’âme humaine en vibration », c’est ce qu’écrivait Kandinsky dans Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier.

J’aime cette idée de vibration de l’âme, comme si l’âme était un matériau qui pouvait résonner au contact de l’œuvre d’art, grâce à sa forme, à ses couleurs, à sa technique, à sa représentation. L’émotion ressentie face à une œuvre peut quasiment se révéler mystique. Elle touche, émeut : le sensible est mobilisé.

Comment s'articule la notion de spiritualité dans votre pratique d'art-thérapeute ?

La notion de spiritualité est quelque chose qui n’est pas dit, il n’y a pas réellement d’intention de mettre du spirituel mais de produire une expérience. C’est la personne qui le met dans son rapport à l’expérience artistique. Pour moi, c’est « comment mettre du sens dans l’expérience ? », c’est la posture en création qui produit un changement.

A la création de sens s’ajoute le rapport à soi et aux autres et à l’instant présent. Découvrir un autre rapport à soi, notamment en devenant spectateur de quelque chose qui vient de soi … qui n’est pas un cliché radiographique ! Le fait de partager cette production artistique est également un facteur déterminant dans la création de sens.

Enfin, le temps de création constitue une toute autre temporalité : dans le processus créateur, il y a de la spiritualité. La notion d’expérience créatrice peut amener le patient à l’expérience spirituelle.

Comment décririez-vous l'expérience spirituelle dans l'art-thérapie ?

Au début de chaque séance d’art thérapie je n’ai aucune intention particulière ni aucune idée de comment va se dérouler la séance. Tout se joue dans la rencontre avec la personne, dans ce qu’elle est, dans ce qu’elle dit ou ne dit pas. Il est très rare que des personnes expriment des questionnements spirituels. Quand ils en parlent, je propose que leurs questions accompagnent la séance. L’idée n’est pas de dessiner la question mais plutôt que la consigne avec la création devienne un support d’expression et de transformation.

La séance d’art-thérapie peut aider le patient à se connecter à soi, aux autres et au moment présent, c’est-à-dire à donner du sens à son vécu. Il peut alors y trouver une dimension spirituelle s’il le souhaite ou non. La temporalité est essentielle, une séance peut ne pas forcément avoir de sens pour la personne dans l’immédiat, il lui faut parfois intégrer l’expérience en prenant du recul et / ou en se donnant du temps.

Quelle est la perception de votre atelier au sein de l'unité de soins palliatifs ?

L’atelier d’art-thérapie fait partie intégrante de l’équipe de soins. Il s’agit toutefois d’un temps choisi du soin. Il n’y a pas de contrainte, aucun plan précis n’est apposé, si ce n’est le projet de l’inconnu avec ce que cela représente ! L’inconnu dans l’expérience, c’est la rencontre qui fait quelque chose. Expérimenter l’inconnu à un autre niveau, alors même qu’ils expérimentent un temps vers la mort elle-même inconnue.

Les bénéfices pour le patient sont reconnus par l’ensemble de l’équipe. La fatigue est celle de la création et non plus celle de la douleur. Durant leurs soins, les patients auront davantage tendance à parler au personnel infirmier leur expérience à l’atelier plutôt que de leur douleur. Ceci est un bénéfice pour l’ensemble de l’équipe et traduit la volonté de prise en charge globale du patient. L’expérience à l’atelier se révèle donc pour tous un moment de vie inattendu, quel que soit son âge, on est embarqués.

D'espace de création à celui de recréation, comment l'envie permet-elle de créer un renouveau pour le patient ?

Dans le processus créatif la personne peut effectivement rejouer différemment des habitudes et recréer symboliquement un contexte déjà vécu ou au contraire faire des expériences nouvelles. Je propose souvent au patient de « partir à l’aventure » avec la création, je l’accompagne en faisant par exemple l’expérience de l’inconnu, en avançant sans savoir, sans chercher à maîtriser la technique et le résultat. C’est parfois l’occasion de découvrir des choses nouvelles et de lui permettre une forme de lâcher prise. La séance propose également de se reconnecter à la notion de désir : désir de sortir de sa chambre pour aller à l’atelier, désir de programmer une séance d’art-thérapie, désir de faire l’expérience de la création avec la couleur, la terre, les encres, les matières…, désir de communiquer sur son expérience, désir de donner à voir ses créations, désir de laisser une trace, désir de transmettre sa création.

Tous ces désirs peuvent aider à donner du sens à sa fin de vie et à se sentir vivant jusqu’au bout.

Quelle est la relation entre vous, art-thérapeute, et le patient ?

La séance d’art thérapie est basée sur la notion de confiance et sur la notion de justesse : aller à la rencontre de la personne oblige à être juste dans la temporalité, juste dans les silences, juste dans les propositions.

La première rencontre avec le patient, souvent dans sa chambre, a pour objectif de « titiller » sa curiosité, de lui donner envie de découvrir autre chose. Cette rencontre avec le projet de la séance d’art-thérapie provoque un double mouvement : un mouvement physique en venant à l’atelier et un mouvement psychique en mobilisant son attention sur une expérience créative avec les conséquences et les répercussions propres à chacun. Le transfert, et par extension de contre-transfert, sont bien évidemment au cœur des séances et de l’accompagnement.

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Art et spiritualité (II)

Valérie Grondin est art-thérapeute à la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris. Elle permet aux patients en fin de vie d’expérimenter une forme de création artistique. Cette rencontre à l’atelier mène à l’inattendu, à la découverte de soi voire au lâcher-prise ; c’est une ouverture possible vers l’expérience spirituelle.

En complément de cet entretien, retrouvez ici le reportage réalisé par La Croix (6 novembre 2018).

En quoi l'art est-il un facteur privilégié pour expérimenter le spirituel ?

« L’évidence principale en art, c’est le pouvoir qu’à l’œuvre de mettre l’âme humaine en vibration », c’est ce qu’écrivait Kandinsky dans Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier.

J’aime cette idée de vibration de l’âme, comme si l’âme était un matériau qui pouvait résonner au contact de l’œuvre d’art, grâce à sa forme, à ses couleurs, à sa technique, à sa représentation. L’émotion ressentie face à une œuvre peut quasiment se révéler mystique. Elle touche, émeut : le sensible est mobilisé.

Comment s'articule la notion de spiritualité dans votre pratique d'art-thérapeute ?

La notion de spiritualité est quelque chose qui n’est pas dit, il n’y a pas réellement d’intention de mettre du spirituel mais de produire une expérience. C’est la personne qui le met dans son rapport à l’expérience artistique. Pour moi, c’est « comment mettre du sens dans l’expérience ? », c’est la posture en création qui produit un changement.

A la création de sens s’ajoute le rapport à soi et aux autres et à l’instant présent. Découvrir un autre rapport à soi, notamment en devenant spectateur de quelque chose qui vient de soi … qui n’est pas un cliché radiographique ! Le fait de partager cette production artistique est également un facteur déterminant dans la création de sens.

Enfin, le temps de création constitue une toute autre temporalité : dans le processus créateur, il y a de la spiritualité. La notion d’expérience créatrice peut amener le patient à l’expérience spirituelle.

Comment décririez-vous l'expérience spirituelle dans l'art-thérapie ?

Au début de chaque séance d’art thérapie je n’ai aucune intention particulière ni aucune idée de comment va se dérouler la séance. Tout se joue dans la rencontre avec la personne, dans ce qu’elle est, dans ce qu’elle dit ou ne dit pas. Il est très rare que des personnes expriment des questionnements spirituels. Quand ils en parlent, je propose que leurs questions accompagnent la séance. L’idée n’est pas de dessiner la question mais plutôt que la consigne avec la création devienne un support d’expression et de transformation.

La séance d’art-thérapie peut aider le patient à se connecter à soi, aux autres et au moment présent, c’est-à-dire à donner du sens à son vécu. Il peut alors y trouver une dimension spirituelle s’il le souhaite ou non. La temporalité est essentielle, une séance peut ne pas forcément avoir de sens pour la personne dans l’immédiat, il lui faut parfois intégrer l’expérience en prenant du recul et / ou en se donnant du temps.

Quelle est la perception de votre atelier au sein de l'unité de soins palliatifs ?

L’atelier d’art-thérapie fait partie intégrante de l’équipe de soins. Il s’agit toutefois d’un temps choisi du soin. Il n’y a pas de contrainte, aucun plan précis n’est apposé, si ce n’est le projet de l’inconnu avec ce que cela représente ! L’inconnu dans l’expérience, c’est la rencontre qui fait quelque chose. Expérimenter l’inconnu à un autre niveau, alors même qu’ils expérimentent un temps vers la mort elle-même inconnue.

Les bénéfices pour le patient sont reconnus par l’ensemble de l’équipe. La fatigue est celle de la création et non plus celle de la douleur. Durant leurs soins, les patients auront davantage tendance à parler au personnel infirmier leur expérience à l’atelier plutôt que de leur douleur. Ceci est un bénéfice pour l’ensemble de l’équipe et traduit la volonté de prise en charge globale du patient. L’expérience à l’atelier se révèle donc pour tous un moment de vie inattendu, quel que soit son âge, on est embarqués.

D'espace de création à celui de recréation, comment l'envie permet-elle de créer un renouveau pour le patient ?

Dans le processus créatif la personne peut effectivement rejouer différemment des habitudes et recréer symboliquement un contexte déjà vécu ou au contraire faire des expériences nouvelles. Je propose souvent au patient de « partir à l’aventure » avec la création, je l’accompagne en faisant par exemple l’expérience de l’inconnu, en avançant sans savoir, sans chercher à maîtriser la technique et le résultat. C’est parfois l’occasion de découvrir des choses nouvelles et de lui permettre une forme de lâcher prise. La séance propose également de se reconnecter à la notion de désir : désir de sortir de sa chambre pour aller à l’atelier, désir de programmer une séance d’art-thérapie, désir de faire l’expérience de la création avec la couleur, la terre, les encres, les matières…, désir de communiquer sur son expérience, désir de donner à voir ses créations, désir de laisser une trace, désir de transmettre sa création.

Tous ces désirs peuvent aider à donner du sens à sa fin de vie et à se sentir vivant jusqu’au bout.

Quelle est la relation entre vous, art-thérapeute, et le patient ?

La séance d’art thérapie est basée sur la notion de confiance et sur la notion de justesse : aller à la rencontre de la personne oblige à être juste dans la temporalité, juste dans les silences, juste dans les propositions.

La première rencontre avec le patient, souvent dans sa chambre, a pour objectif de « titiller » sa curiosité, de lui donner envie de découvrir autre chose. Cette rencontre avec le projet de la séance d’art-thérapie provoque un double mouvement : un mouvement physique en venant à l’atelier et un mouvement psychique en mobilisant son attention sur une expérience créative avec les conséquences et les répercussions propres à chacun. Le transfert, et par extension de contre-transfert, sont bien évidemment au cœur des séances et de l’accompagnement.

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Documents liés

Art et spiritualité (II)

Valérie Grondin est art-thérapeute à la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris. Elle permet aux patients en fin de vie d’expérimenter une forme de création artistique. Cette rencontre à l’atelier mène à l’inattendu, à la découverte de soi voire au lâcher-prise ; c’est une ouverture possible vers l’expérience spirituelle.

En complément de cet entretien, retrouvez ici le reportage réalisé par La Croix (6 novembre 2018).

En quoi l'art est-il un facteur privilégié pour expérimenter le spirituel ?

« L’évidence principale en art, c’est le pouvoir qu’à l’œuvre de mettre l’âme humaine en vibration », c’est ce qu’écrivait Kandinsky dans Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier.

J’aime cette idée de vibration de l’âme, comme si l’âme était un matériau qui pouvait résonner au contact de l’œuvre d’art, grâce à sa forme, à ses couleurs, à sa technique, à sa représentation. L’émotion ressentie face à une œuvre peut quasiment se révéler mystique. Elle touche, émeut : le sensible est mobilisé.

Comment s'articule la notion de spiritualité dans votre pratique d'art-thérapeute ?

La notion de spiritualité est quelque chose qui n’est pas dit, il n’y a pas réellement d’intention de mettre du spirituel mais de produire une expérience. C’est la personne qui le met dans son rapport à l’expérience artistique. Pour moi, c’est « comment mettre du sens dans l’expérience ? », c’est la posture en création qui produit un changement.

A la création de sens s’ajoute le rapport à soi et aux autres et à l’instant présent. Découvrir un autre rapport à soi, notamment en devenant spectateur de quelque chose qui vient de soi … qui n’est pas un cliché radiographique ! Le fait de partager cette production artistique est également un facteur déterminant dans la création de sens.

Enfin, le temps de création constitue une toute autre temporalité : dans le processus créateur, il y a de la spiritualité. La notion d’expérience créatrice peut amener le patient à l’expérience spirituelle.

Comment décririez-vous l'expérience spirituelle dans l'art-thérapie ?

Au début de chaque séance d’art thérapie je n’ai aucune intention particulière ni aucune idée de comment va se dérouler la séance. Tout se joue dans la rencontre avec la personne, dans ce qu’elle est, dans ce qu’elle dit ou ne dit pas. Il est très rare que des personnes expriment des questionnements spirituels. Quand ils en parlent, je propose que leurs questions accompagnent la séance. L’idée n’est pas de dessiner la question mais plutôt que la consigne avec la création devienne un support d’expression et de transformation.

La séance d’art-thérapie peut aider le patient à se connecter à soi, aux autres et au moment présent, c’est-à-dire à donner du sens à son vécu. Il peut alors y trouver une dimension spirituelle s’il le souhaite ou non. La temporalité est essentielle, une séance peut ne pas forcément avoir de sens pour la personne dans l’immédiat, il lui faut parfois intégrer l’expérience en prenant du recul et / ou en se donnant du temps.

Quelle est la perception de votre atelier au sein de l'unité de soins palliatifs ?

L’atelier d’art-thérapie fait partie intégrante de l’équipe de soins. Il s’agit toutefois d’un temps choisi du soin. Il n’y a pas de contrainte, aucun plan précis n’est apposé, si ce n’est le projet de l’inconnu avec ce que cela représente ! L’inconnu dans l’expérience, c’est la rencontre qui fait quelque chose. Expérimenter l’inconnu à un autre niveau, alors même qu’ils expérimentent un temps vers la mort elle-même inconnue.

Les bénéfices pour le patient sont reconnus par l’ensemble de l’équipe. La fatigue est celle de la création et non plus celle de la douleur. Durant leurs soins, les patients auront davantage tendance à parler au personnel infirmier leur expérience à l’atelier plutôt que de leur douleur. Ceci est un bénéfice pour l’ensemble de l’équipe et traduit la volonté de prise en charge globale du patient. L’expérience à l’atelier se révèle donc pour tous un moment de vie inattendu, quel que soit son âge, on est embarqués.

D'espace de création à celui de recréation, comment l'envie permet-elle de créer un renouveau pour le patient ?

Dans le processus créatif la personne peut effectivement rejouer différemment des habitudes et recréer symboliquement un contexte déjà vécu ou au contraire faire des expériences nouvelles. Je propose souvent au patient de « partir à l’aventure » avec la création, je l’accompagne en faisant par exemple l’expérience de l’inconnu, en avançant sans savoir, sans chercher à maîtriser la technique et le résultat. C’est parfois l’occasion de découvrir des choses nouvelles et de lui permettre une forme de lâcher prise. La séance propose également de se reconnecter à la notion de désir : désir de sortir de sa chambre pour aller à l’atelier, désir de programmer une séance d’art-thérapie, désir de faire l’expérience de la création avec la couleur, la terre, les encres, les matières…, désir de communiquer sur son expérience, désir de donner à voir ses créations, désir de laisser une trace, désir de transmettre sa création.

Tous ces désirs peuvent aider à donner du sens à sa fin de vie et à se sentir vivant jusqu’au bout.

Quelle est la relation entre vous, art-thérapeute, et le patient ?

La séance d’art thérapie est basée sur la notion de confiance et sur la notion de justesse : aller à la rencontre de la personne oblige à être juste dans la temporalité, juste dans les silences, juste dans les propositions.

La première rencontre avec le patient, souvent dans sa chambre, a pour objectif de « titiller » sa curiosité, de lui donner envie de découvrir autre chose. Cette rencontre avec le projet de la séance d’art-thérapie provoque un double mouvement : un mouvement physique en venant à l’atelier et un mouvement psychique en mobilisant son attention sur une expérience créative avec les conséquences et les répercussions propres à chacun. Le transfert, et par extension de contre-transfert, sont bien évidemment au cœur des séances et de l’accompagnement.

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