Sens et Non-Sens en Soins Palliatifs

REPLAY JOURNÉE D’ÉTUDE 2020

Le principe  des journées d’étude consiste à faire dialoguer professionnels et bénévoles de Jeanne Garnier avec des chercheurs en sciences humaines et sociales autour de questions inhérentes au travail de soin et d’accompagnement. Ces journées sont gratuites et ouvertes au public. L’ édition 2020, sur le thème : “Sens et non-sens en soins palliatifs” a été proposée en distanciel, suivie par plusieurs centaines de personnes en France, au Liban, en Suisse et en Belgique.

 

La journée du 18 septembre 2020 organisée par le pôle recherche de la Maison médicale Jeanne Garnier et le réseau RESSPIR a permis d’interroger ce qui, en soins palliatifs, relève du sens et du non-sens. Ce questionnement se trouve exacerbé par la crise sanitaire : les mesures d’hygiène et de sécurité appliquées pour ralentir la propagation du virus affectent les pratiques de soin au risque d’une érosion du sens et d’un épuisement. A l’inverse, le contexte sanitaire encourage les initiatives et la créativité, permettant potentiellement de retrouver du sens et de l’enthousiasme. Le concept de « culture palliative » a fait office de fil rouge tout au long de la journée. Dans quelle mesure l’expérience du sens ou du non-sens que l’on fait en soins palliatifs a-t-elle un lien avec la possibilité d’honorer ou non ce bien précieux que nous avons en partage ? La culture palliative, si difficile à définir, tire sa substance des règles de travail et des règles de métier qui se transmettent de générations en générations, largement invisibles, inscrites dans les gestes du soin, dans le souci des détails, dans cette succession de petits riens qui représentent « tout ce qu’il reste à faire lorsqu’il n’y a plus rien à faire ». La mise en visibilité de ce travail du Care exige que chacun prenne le risque de dévoiler ce qui compte pour lui, ce qui a de l’importance, ce qui a de la valeur. C’est ce qu’ont brillamment fait les huit membres de la Maison médicale Jeanne Garnier tout au long de cette journée en dialoguant avec des chercheurs en philosophie, en éthique médicale et en psychologie.

 

Première partie :
La dimension éthique du travail du Care.

 

Animation de la matinée par Marie-Dominique Trébuchet
Maître de conférences en théologie et directrice de l’Institut supérieur de sciences religieuses, ICP

1- Quand le langage de la gestion épuise le sens du soin

 

  • Par Elodie Pothin, Responsable formation et Gestionnaire planning soignants, MMJG
  • Anne-Caroline Frèrejacques, Infirmière coordinatrice, MMJG
  • Agata Zielinski, Maître de conférences en philosophie, Faculté de médecine de l’Université de Rennes 1

La matinée était consacrée à la dimension éthique du travail du Care et plus particulièrement à la question du non-sens. La première partie de cette matinée a permis d’interroger dans quelle mesure le langage de la gestion épuise ou non le sens du soin. A travers l’exemple très concret des réunions hebdomadaires d’élaboration du « planning soignants », les contradictions entre les différentes rationalités à l’œuvre (soignante, financière, gestionnaire) dans une unité de soins palliatifs ont été mises en évidence. Comment dépasser ces contradictions au service de la coopération collective ?

 

 

2-« Vous êtes inhumains » : le travail du Care à l’épreuve de l’agonie.

 

  • Par Andréa Jam, Infirmière, MMJG
  • Isabelle Leconte, Aide-soignante, MMJG
  • Isabelle Gernet, Maître de conférences en Psychologie clinique et psychopathologie, Université de Paris

La deuxième partie de cette matinée consacrée au non-sens en soins palliatifs a soulevé une question délicate que les soignants préfèrent généralement laisser dans l’ombre. Que ressentent-ils lorsque les patients ou leurs proches les accusent d’être des « monstres » au nom d’un soin perçu comme déraisonnable ou maltraitant ? Le non-sens de l’agonie ou encore le refus d’un patient d’être soulagé ou lavé génèrent chez les soignants le sentiment de mal faire et peuvent faire vaciller leur sens moral. Le non-sens du soin fait alors écho au non-sens de la souffrance ou au non-sens de la mort. Comment est-ce que les gestes du soin, dans leur matérialité et leur technicité, contribuent-ils à donner du sens sans apporter de réponses à ces questions intimes et existentielles ?

 

 

Deuxième partie :
La dimension politique et spirituelle du travail du Care.

 

Animation de l’après-midi par Emmanuel Bagaragaza,
Docteur en santé publique, Ingénieur de Recherche

 

3- Les soins palliatifs et l’expérimentation démocratique.

 

  • Par Laurent Taillade, Médecin, MMJG
  • Monique De Kerangal, Infirmière, MMJG
  • Grégory Aiguier, Maître de conférences en éthique médicale, Institut Catholique de Lille

L’après-midi était consacrée à la dimension politique et spirituelle du travail du Care et plus particulièrement à la question du sens. La première partie de l’après-midi a été l’occasion d’explorer ce qui, en soins palliatifs, soutient plus qu’ailleurs la possibilité de faire l’expérience de la démocratie dans le travail du soin. L’organisation du travail, les nombreux temps laissés à la délibération collective, la possibilité d’être créatif, la place accordée à la parole des patients sont autant de leviers favorisant cette expérience démocratique. Comment diffuser cette culture en dehors des unités de soins palliatifs et comment la garder vivante pour honorer les principes de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent notre pacte social ?

 

 

4-A la source du Care…

 

  • Par Claire Hibon, Infirmière, MMJG
  • Laurène Sanchez, Infirmière, MMJG
  • Christophe Dejours , Professeur émérite de psychologie, Université Paris Nanterre, directeur scientifique de l’institut de psychodynamique du travail

La deuxième partie de l’après-midi était consacrée à la dimension spirituelle du travail du Care. Pourquoi travailler en soins palliatifs ? Où est-ce que les motivations qui orientent ce choix professionnel trouvent-elles leur source ? Dans l’histoire personnelle de chacun d’entre nous, dans notre éducation, dans notre spiritualité ? Les raisons qui nous font rester en soins palliatifs sont-elles les mêmes que celles qui nous y ont amenés ? Où trouver la force de continuer à être attentif et compatissant sur la durée malgré la fatigue, la souffrance et la mort présentes quotidiennement ? Travailler en soins palliatifs nous rend-il plus attentifs, plus empathiques ?