La liberté de mourir

LARGER Victor, La liberté de mourir. Euthanasie. Quelques réflexions à propos d’une loi, Montpellier, Sauramps médical, 2023, 134 p. ISBN : 9-791030-303988

 

Recension par Dominique Jacquemin

C’est dans le contexte des débats français actuels, relatifs à une possible législation permettant une mort médicalisée que l’auteur, médecin, diacre et docteur en philosophie, propose une large réflexion tentant à montrer que toute législation permettant « une mise à mort » par la médecine ne relèverait en rien de la liberté de l’humain mais remettrait profondément en cause son humanité, qu’il soit patient ou soignant. Il développe une hypothèse transversale assez intéressante : c’est la peur de la mort qui, paradoxalement, fait qu’elle se trouve aujourd’hui sollicitée par certains. C’est avec cette conviction qu’il inventorie les diverses manières de mourir aujourd’hui – euthanasie, suicide assisté, sédation, soins palliatifs, arrêt d’alimentation et d’hydratation – en précisant l’enjeu de fond de ces différentes pratiques en termes de finalité et de temporalité ajustée. Si tout ce qui est développé à propos des soins palliatifs est exact et peut apparaître comme une des manières les plus humanisantes pour accompagner la fin de vie, on pourra regretter qu’ils ne soient appréhendés qu’en contre-point de l’euthanasie alors qu’ils se trouvent porteurs de leur propre finalité. L’ouvrage reprend également les développements habituels à propos de la dignité comme valeur ontologique inaliénable. Il souligne avec raison les principaux risques auxquels conduirait une ouverture de la loi vers une construction active de la fin de vie par la médecine : poids de la contrainte économique sur les plus fragiles, impact des représentations sociales inhérentes à la fragilité pouvant influencer une liberté de consentement, transformation radicale de la fonction soignante et de la manière dont elle pourrait être appréhendée, crainte. Si toutes ces dimensions sont à prendre en compte dans le débat contemporain, on regrettera que l’auteur semble parfois induire une suspicion sur la légitimité de toute pratique médicale, douter d’une manière trop radicale sur le statut contemporain du questionnement éthique et de la pertinence des discussions collégiales pour éclairer un processus de décision. Et des propos tenus dans le « registre du pire » (les pays qui ont légiféré ne contrôlent plus rien, la sédation terminale se transforme en construction du mourir, les EPHAD se transformeront en lieu de crainte de la mort…) risquent parfois d’atténuer la portée et la pertinence des arguments promus pour ouvrir une nécessaire et légitime interrogation sur ce qu’une société est en train de construire dans son rapport à l’humanité de l’homme.