Décentrage
Quelques points d’attention :
- Méta-communiquer sur sa propre position culturelle
Proposer d’entrer dans une dynamique inter ou transculturelle aux patients ou aux proches peut s’avérer une vraie richesse : sans obligation, cela peut se présenter comme une invitation pour, s’ils le souhaitent, entrer dans le monde de Martin. La dynamique inter et trans-culturelle peut être réciproque.
Par exemple, Martin prend soin d’expliquer sa manière d’envisager le soin. Il peut aussi à cette occasion parler de ses propres besoins, pour qu’il puisse faire son travail de la façon la plus optimale.
En effet, c’est une occasion pour la famille et le patient de mieux saisir la culture de Martin, occasion pour eux de partager ses habitudes et manière de voir les choses. Cela pourrait p.ex. se faire lorsqu’ils partagent le thé et leurs biscuits avec Martin.
Cela suppose que tous les participants réfléchissent à leur propre imprégnation culturelle et à leur « positionnement ». Autrement dit, il s’agit d’opérer un décentrement qui nécessite une attitude ouverte et un approfondissement de sa propre culture, de ses racines.
Tout d’abord le décentrage : c’est-à-dire percevoir, comprendre, ce que l’autre vit et sa conception du monde et du soin. C’est un mouvement essentiel schématisé par le regard ici qui essaie de capter un peu mieux comment l’autre voit les choses :

Compétences cliniques transculturelles et pratique médicale de P Bodenmann · 2010 — Date de publication: 03.02.2010. Forum Med Suisse. 2010;10(05):79-83. Auteurs Althaus F, Hudelson P, Domenig D, Green AR, Bodenmann P.
Une autre image vous est proposée : celle du reflet d’une sculpture :

On ne voit pas le même reflet selon l’angle du regard sur la statue. On ne perçoit pas non plus la structure, la matière de la statue véritable en n’observant que son reflet.
Il y a deux efforts : le premier de décentrage dont nous venons de parler, le deuxième de recentrage qui est tout aussi important, qui me ramène à conscientiser la position dans laquelle je me trouve. L’analyse de ma propre culture et de ce qu’elle m’apporte, est fondamentale. Elle permet de savoir où l’on se situe et à partir d’où on regarde avant de se décentrer.
Il est nécessaire d’être soi-même « ancré » : de bien connaître ses racines, ce qui nous a forgé. Car la peur de se perdre : « de ne plus savoir soi-même qui on est » est au cœur du processus qui nous empêcherait de nous décentrer pour « plonger » dans d’autres conceptions et manières d’être, de faire.
Le philosophe Wolfgang Welsch a décrit la transculturalité comme un concept intrapersonnel (vu au chapitre 1), interpersonnel, sociétal, et même tout simplement comme une attitude.
Seule une capacité d’évolution transculturelle pourra garantir à long terme notre identité ainsi que des principes tels que l’autonomie et la souveraineté. […] La haine de l’étranger (comme cela a été expliqué à maintes reprises, notamment par la psychanalyse) est une haine de soi projetée vers l’extérieur. On rejette indirectement quelque chose que l’on porte en soi mais que l’on refuse d’admettre, que l’on refoule intérieurement mais que l’on combat extérieurement. À l’inverse, reconnaitre la présence d’éléments étrangers en soi conditionne l’acceptation de ce qui est étranger chez autrui. Alors, si nous prenons conscience de notre propre transculturalité au lieu de la renier (contrairement à ce que suggère le concept traditionnel de culture), nous devenons capables d’entrer en relation avec la transculturalité d’autrui, collectivement et en l’appréciant à sa juste valeur. (Welsch 1995, 34)
Nous pouvons constater dans cette citation combien la transculturalité conscientisée à un niveau intrapersonnel a de l’impact sur la manière de vivre la transculturalité au niveau interpersonnel.
Décentrer – recentrer -décentrer- recentrer …. C’est le mouvement qui vous est proposé pour pouvoir soutenir autrui, en prenant appui sur vos ressources et tout en les enrichissant.
Et vous ?
Pourriez-vous décrire une de vos expériences d’interculturalité ou transculturalité?