Chapitre 2 : Rapport à la culture

Introduction

Cette situation est une fiction inspirée de faits réels.

Nous vous proposons d’en lire le début puis de découvrir la suite de l’histoire au choix, selon 3 modalités de rapports à la culture.

Arrivant dans une telle situation, comment vous sentiriez-vous et auriez-vous vous-même réagi?

1. Choisissez !

Ce n’est pas tous les jours qu’une situation comme celle-ci arrive !

Mais elle permet, quel que que soit notre rôle professionnel (ou d’aidant.e bénévole), de se poser une question fondamentale lorsque nous travaillons avec des personnes venant d’horizons très différents :

Quel est notre rapport personnel et professionnel avec la culture d’autrui et en particulier avec celle des personnes dont nous prenons soin ?

Nous allons traverser les options différentes possibles dans le rapport à la culture et voir comment Martin pourrait envisager sa relation et les soins à autrui.

Pour accéder à la suite de la situation nous vous invitons à vous pencher sur 4 termes clefs :

Culture  Multiculturalité  Interculturalité  Transculturalité 

cliquez sur les images pour continuer l’histoire selon la modalité choisie.

 

 

2. Tableau de synthèse

Nous avons traversé les différents rapports à la culture possibles : « mono » culture, multiculturalité, interculturalité, transculturalité.

Voici pour rappel les principes de chaque posture, résumés dans le tableau suivant :

 

Télécharger le tableau en pdf

 

Maintenant, retournons dans la voiture de Martin qui, après sa visite et sa matinée vraiment difficiles, ne sait plus quoi penser !

3. Quels sont les rapports culturels à privilégier ?

En traversant les différentes postures (multi-, inter- et transc-culturelles) possibles pour Martin, nous avons pu constater un intérêt certain pour le rapport transculturel pour un prendre soin qui puisse satisfaire chacun.e et donner l’opportunité d’un réel enrichissement. Cette posture transculturelle n’est cependant pas toujours possible pour les professionnel.les car elle demande :

  • un effort pour penser différemment et être bousculé dans ses émotions et représentations,
  • mais également une gestion plus importante de l’incertitude : ne plus savoir ce qui est juste et bon de faire par moment.

Comme on le dit souvent aujourd’hui, cela nous fait sortir de notre « zone de confort ». Or cette zone nous semble parfois importante à préserver lorsque nous sommes trop sollicités. Notre « zone de confort » nous rassure dans des situations où nous ne savons plus comment faire. Il est tout à fait légitime de se sentir parfois limités par une surcharge globale dans son travail. Ici en l’occurrence, Martin a vécu une matinée très éprouvante avant d’arriver chez son deuxième patient. Il n’a pas forcément toute la disposition psychique, mentale, l’énergie pour se déplacer et voir différemment les choses.

 

 

Ainsi, nous pouvons souhaiter déjà promouvoir une interculturalité féconde.

La transculturalité est une ouverture encore plus riche, pour soi et pour l’autre, mais qui demande un travail et des forces intérieures. Avoir conscientisé déjà là où l’on se trouve, sa propre posture est déjà un travail intérieur préalable conséquent et important.

 

Dans cette situation, la posture transculturelle n’était pas possible pour Martin mais c’est une visée qu’il peut souhaiter vivre à d’autres moments.

 

 

Cette ouverture l’amènera à découvrir la réalité d’autrui : dans une autre culture, comprendre comment s’expriment les attentes, les demandes, comprendre la plainte, comprendre les désirs, comprendre comment se vit la souffrance.

Cette posture transculturelle nécessite des compétences.

Point d’attention : ces compétences sont aussi valables pour l’institution qui vous emploie. En l’occurrence ici, c’est un organisme de soins à domicile : comment cette organisation m’aide-t-elle à prodiguer des soins dans une optique de transculturalité ? Comment puis-je justifier de mes actes, m’autoriser par exemple – comme Martin – à rester une quinzaine de minutes durant ce soin « spirituel » ?

 

4. Exercice

5. Regard d'une psychiatre transculturelle

Après avoir essayé de répondre à ces 2 questions pour vous-même, nous vous proposons d’écouter le témoignage de la Docteure Felicia Dutray, psychiatre transculturelle (Centre Appartenances et CHUV, Lausanne, Suisse)

 

Cliquer sur une question pour arriver directement à ce moment de l’interview :

 

 

Ou bien voir la vidéo en entier :

 

 

Pour aller plus loin, nous vous proposons d’écouter l’intervention de Félicia Dutray.

Cette intervention, intitulée « Quand tu croiseras des Seereers dans ton pays, tu sauras les soigner », Les transmissions d’un guérisseur seereer qui m’ont aidée à devenir thérapeute transculturelle »  a été enregistrée le 3 juin 2022 à Clermont-Ferrand dans le cadre du 25e colloque international de la revue L’autre « Celles et ceux qui soignent » Ici et dans le monde, hier, aujourd’hui et demain.

 

Vous trouverez dans l’onglet « Pour aller plus loin »

(dans ce bloc-ci en haut à droite) l’extrait de F. Dutray

ainsi que le lien vers le Colloque complet.

6. Compétences transculturelles

Décentrage

Quelques points d’attention :

  • Méta-communiquer sur sa propre position culturelle

 

Proposer d’entrer dans une dynamique inter ou transculturelle aux patients ou aux proches peut s’avérer une vraie richesse :  sans obligation, cela peut se présenter comme une invitation pour, s’ils le souhaitent, entrer dans le monde de Martin. La dynamique inter et trans-culturelle peut être réciproque.

Par exemple, Martin prend soin d’expliquer sa manière d’envisager le soin. Il peut aussi à cette occasion parler de ses propres besoins, pour qu’il puisse faire son travail de la façon la plus optimale.

En effet, c’est une occasion pour la famille et le patient de mieux saisir la culture de Martin, occasion pour eux de partager ses habitudes et manière de voir les choses. Cela pourrait p.ex. se faire lorsqu’ils partagent le thé et leurs biscuits avec Martin.

 

Cela suppose que tous les participants réfléchissent à leur propre imprégnation culturelle et à leur « positionnement ». Autrement dit, il s’agit d’opérer un décentrement qui nécessite une attitude ouverte et un approfondissement de sa propre culture, de ses racines.

 

  • Décentrage et recentrage

Tout d’abord le décentrage : c’est-à-dire percevoir, comprendre, ce que l’autre vit et sa conception du monde et du soin. C’est un mouvement essentiel schématisé par le regard ici qui essaie de capter un peu mieux comment l’autre voit les choses :

 

 

Compétences cliniques transculturelles et pratique médicale de P Bodenmann · 2010 — Date de publication: 03.02.2010. Forum Med Suisse. 2010;10(05):79-83. Auteurs Althaus F, Hudelson P, Domenig D, Green AR, Bodenmann P.

 

Une autre image vous est proposée : celle du reflet d’une sculpture :

 

 

On ne voit pas le même reflet selon l’angle du regard sur la statue. On ne perçoit pas non plus la structure, la matière de la statue véritable en n’observant que son reflet.

Il y a deux efforts : le premier de décentrage dont nous venons de parler, le deuxième de recentrage qui est tout aussi important, qui me ramène à conscientiser la position dans laquelle je me trouve. L’analyse de ma propre culture et de ce qu’elle m’apporte, est fondamentale. Elle permet de savoir où l’on se situe et à partir d’où on regarde avant de se décentrer.

Il est nécessaire d’être soi-même « ancré » :  de bien connaître ses racines, ce qui nous a forgé. Car la peur de se perdre : « de ne plus savoir soi-même qui on est » est au cœur du processus qui nous empêcherait de nous décentrer pour « plonger » dans d’autres conceptions et manières d’être, de faire.

 

Le philosophe Wolfgang Welsch a décrit la transculturalité comme un concept intrapersonnel (vu au chapitre 1), interpersonnel, sociétal, et même tout simplement comme une attitude.

Seule une capacité d’évolution transculturelle pourra garantir à long terme notre identité ainsi que des principes tels que l’autonomie et la souveraineté. […] La haine de l’étranger (comme cela a été expliqué à maintes reprises, notamment par la psychanalyse) est une haine de soi projetée vers l’extérieur. On rejette indirectement quelque chose que l’on porte en soi mais que l’on refuse d’admettre, que l’on refoule intérieurement mais que l’on combat extérieurement. À l’inverse, reconnaitre la présence d’éléments étrangers en soi conditionne l’acceptation de ce qui est étranger chez autrui. Alors, si nous prenons conscience de notre propre transculturalité au lieu de la renier (contrairement à ce que suggère le concept traditionnel de culture), nous devenons capables d’entrer en relation avec la transculturalité d’autrui, collectivement et en l’appréciant à sa juste valeur.  (Welsch 1995, 34)

Nous pouvons constater dans cette citation combien la transculturalité conscientisée à un niveau intrapersonnel a de l’impact sur la manière de vivre la transculturalité au niveau interpersonnel.

Décentrer – recentrer -décentrer- recentrer …. C’est le mouvement qui vous est proposé pour pouvoir soutenir autrui, en prenant appui sur vos ressources et tout en les enrichissant.

7. Réflexion personnelle

A la fin de ce parcours nous vous proposons de reprendre la question initiale :

  • Qu’avez-vous appris, compris de votre rapport à l’autre et à vous-même au terme de ce parcours ?
  • Quel est l’élément qui vous choque ou vous éclaire ?  … et qu’est-ce que cela suscite en vous comme réflexion ?
  • Dans quelle position culturelle vous situez-vous le plus souvent ? Qu’est-ce qu’elle vous apporte comme principaux bénéfices et comme principaux inconvénients ?

  Prenez le temps d’y répondre et d’y revenir à intervalle régulier. Regardez comment vos réponses changent.

8. Ouvertures pour aller plus loin

Si vous débutez dans l’appréhension des compétences transculturelles, une attitude ouverte et un approfondissement de sa propre culture, de ses racines et du métissage culturel qui nous a construit, est un bon départ pour développer son décentrage.

Les compétences transculturelles sont à la fois:

  • des savoirs : savoirs culturels, savoirs religieux, mais y compris des savoirs à propos de soi-même.

En ce sens, apprendre et être curieux des spécificités culturelles et religieuses des différentes populations est très important. Quelques ressources pour commencer sont mises à votre disposition pour le contexte du soin et de l’accueil. Comme vous avez pu le voir au chapitre 1, nourrir les représentations par la connaissance est une aide pour penser la diversité.

 

  • des savoir-être : décentrement, écoute, empathie, etc.

Ces savoirs s’entrainent c’est pourquoi nous vous invitons à découvrir quelques exercices permettant de développer ces qualités. Vous les retrouverez au sein d’autres modules de formation.

Tous ces savoirs mobilisés en situation pour pouvoir penser et agir sont essentiels dans la complexité de situations qui nous déroutent bien souvent.

 

Pour aller plus loin:

Si vous souhaitez approfondir ce chapitre, vous trouverez quelques pistes et réflexions supplémentaires en cliquant sur l’image avec les traces de pas sur le sable.

De nombreuses vidéos d’interviews vous y attendent et permettent de considérer d’autres exemples.

Et vous ?

Pourriez-vous décrire une de vos expériences d’interculturalité ou transculturalité?

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