Recherche en cours : Spiritualité et santé / Spiritualité en milieu de soin

A l’université de Lausanne, une revue systématique de la littérature entre les recherches réalisées dans les milieux anglophones et les recherches réalisées en francophonie est menée pour le RESSPIR, depuis le 1er mai 2018, par une équipe composée du Prof. Pierre-Yves Brandt, et de deux chercheurs, Mme Zhargalma Dandarova et Mr Grégory Dessart. Ils ont répondu à quelques questions pour nous permettre de mieux comprendre les fondements et les intérêts de leur recherche.

Pourquoi cette recherche aujourd'hui ?

Les études sur les liens entre soins et spiritualité sont principalement menées sur le continent nord-américain ou calquées sur des paradigmes construits dans ce contexte culturel. Elles ont développé des mesures de la spiritualité fondées sur une acception courante de ce concept dans ce contexte culturel. On demandera par exemple à des patients à quelles fréquences ils participent à des services religieux ou s’ils appartiennent à une communauté religieuse. Or, les travaux des sociologues des religions ont montré que les Etats-Unis sont des pays où la religion est bien plus importante dans la société en général que dans la plupart des pays occidentalisés. Par conséquent, l’utilisation de tels outils de mesures dans des pays caractérisés par une forte défection des formes religieuses institutionnalisées risque de passer à côté d’autres formes de spiritualité mobilisées par les patients pour donner sens à leur vie ou à leur maladie. Il s’agit de mettre en évidence ces différences culturelles.

Comment allez-vous vous y prendre ?

Pour commencer, il faut partir des revues de littérature déjà existantes dans le domaine. Une fois celles-ci identifiées, il va falloir mettre en évidence dans quelle aire culturelle ont été menées les études qui sont répertoriées dans ces revues de littérature. Une attention particulière devra être accordée aux aires culturelles dans lesquelles ont été standardisés les outils de mesure sur lesquelles elles se fondent. Quels sont les principaux résultats qui sont mis en évidence dans ces revues de littérature ? Y trouve-t-on des travaux menés hors des États-Unis ? Ces travaux mentionnent-ils des adaptations nécessaires des outils de mesure de la spiritualité et des paradigmes de recherche ?

Parallèlement, nous allons mener une recherche systématique des travaux menés dans les pays francophones. Il s’agit de savoir si les résultats établis par les revues de littérature émergent aussi dans ce bassin culturel. Il se pourrait tout simplement que des travaux manquent pour répondre à cette question. Il se pourrait aussi que les travaux qui ont tenté de répliquer des études menées aux États-Unis dans un contexte francophone signalent des difficultés si l’on se contente de traduire les procédures. Il se pourrait aussi que des travaux aient procédé selon des paradigmes de recherche très différents. Dans tous les cas, nous allons être attentifs à la réception de ces travaux dans les revues de littérature et les journaux scientifiques anglophones, soit parce que leur publication en français les a rendus inaccessibles pour les chercheurs anglophones, soit parce que leur publication en anglais dans des revues scientifique n’a reçu qu’une réception marginale lorsque ces travaux ne présentaient pas des résultats rentrant dans le courant des publications « mainstream », par exemple parce qu’ils utilisaient d’autres procédures de mesure de la spiritualité.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez (ou pensez que vous allez rencontrer) ?

Nous pensons qu’une partie des travaux publiés en français seront difficiles d’accès, parce publiés dans des livres ou des revues scientifiques mal référencées ou difficiles d’accès.

Qu'est-ce que cette recherche devrait ouvrir comme perspective pour l'avenir ?

Nous pensons qu’il est nécessaire de vérifier si les affirmations dominantes sur les relations entre soins et spiritualité s’appliquent au monde francophone, en tenant compte de la diversité des contextes européens et africains et de la particularité du Québec. Nous voulons pouvoir identifier les champs de recherche où des travaux tout simplement manquent. Il s’agira aussi de mettre en évidence, à partir des travaux déjà existants, quelles sont les spécificités des relations entre soins et spiritualités dans les divers environnements culturels appartenant à la francophonie. Tout cela aidera à préciser dans quel domaine mener des recherches dans le futur. Nous espérons que la mise à disposition des résultats de notre étude sur le réseau RESSPIR stimulera des collaborations et facilitera l’identification de la spécificité culturelle dont il faut pouvoir tenir compte dans l’exercice des soins dans les pays francophones.