Un certificat « Santé, médecine et spiritualité » à l’université de Lausanne

Aujourd’hui, même si la littérature scientifique et les récentes recherches sur le cerveau démontrent l’importance d’une approche bio-psycho-sociale et spirituelle en médecine, l’intégration de la spiritualité dans la prise en soin reste l’un des grands défis auxquels sont confronté·e·s tant les personnes en souffrance que les
professionnel·le·s chargé·e·s de les aider.
Premier Certificate of Advanced Studies en Suisse à être porté et élaboré par deux facultés aux regards complémentaires – la FBM et la FTSR – ce programme ouvre un nouvel axe de collaboration entre les approches médicales, notamment psychiatrique, et en sciences humaines. Cette ouverture interdisciplinaire innovante favorise une réflexion sur la place accordée à la spiritualité dans la prise en soin – et ce dans tous les moments du soin, pas uniquement en fin de vie – tout en tenant compte des spécificités inhérentes à chaque corps de métier.

 

Daniel Ducraux (infirmier MScN, Responsable des formations et chef de projets chez Réseau fribourgeois de santé mentale (RFSM-FNPG), Marsens, Suisse) nous en parle.

Qu’est-ce qui vous a poussé à mettre sur pied ce C.A.S. pour les praticiens ?

De nombreuses recherches ont démontré que le bien-être spirituel a une incidence sur la santé et que le modèle bio-psycho-socio-spirituel favorise une prise en soin qui tienne compte de l’être humain dans son intégralité. Par conséquent, la dimension spirituelle devrait être une composante essentielle de la prise en soin d’un patient. Toutefois, dans la réalité du monde médical, nous constatons que si le bio-psycho principalement et le socio sont bien ancrés et prédominants, le spirituel peine à être considéré et intégré par l’équipe de soins ou tout au plus est-il délégué à l’aumônier dans une certaine confusion entre religion et spiritualité.

Il semblait donc important que les praticiens de toutes professions œuvrant autour d’une personne malade puissent trouver des outils leur permettant de comprendre cette dimension et cette approche, de la partager avec leurs collègues dans un dialogue constructif et collaboratif et de l’implémenter dans leur cadre de travail.

Comment vous y êtes-vous pris ?

Des représentants des Facultés de Médecine (FBM), de Théologie (FTSR), du monde hospitalier (Plateforme MS3, CHUV) et des soins se sont réunis pour croiser leurs regards et développer la trame de ce C.A.S. Trois éléments nous ont semblé essentiels pour comprendre les liens entre la spiritualité et la santé et intégrer cette approche dans la pratique :

  • Saisir l’état actuel des connaissances sur les liens entre soin et spiritualité
  • Appréhender comment la santé et l’accompagnement de la maladie sont envisagés du point de vue des traditions religieuses et spirituelles ainsi que comment la spiritualité est envisagée du point de vue de la diversité des approches de santé.
  • Découvrir des modèles et acquérir des outils permettant l’intégration de la spiritualité dans sa pratique clinique.

Vous êtes infirmier vous-même : que diriez-vous à vos collègues en leur présentant ce C.A.S. ?

Nous sommes très souvent confrontés à des patients en grande vulnérabilité et dans une importante détresse émotionnelle, existentielle, en fait spirituelle. La maladie a mis à mal leur bien-être spirituel, bouleversant leur projet de vie, les poussant parfois à reconsidérer leurs croyances, leurs valeurs, leurs aspirations et, finalement, le sens même de leur vie.

Il nous appartient, en tant que soignant, d’accompagner ces personnes fragilisées tout au long de ce processus complexe et très difficile. Toutefois, entrer dans cet Intime, ce Mystérieux de l’Autre et faire en sorte qu’Il ait sa place dans une prise en soin interdisciplinaire demande des compétences spécifiques importantes dont certaines peuvent s’acquérir dans ce C.A.S.

Pour vous qu'est-ce qui a fait que vous vous êtes intéressé à ce thème et l'avez développé au fil du temps ?

Je suis convaincu que la spiritualité répond au besoin de donner un sens et une raison aux événements de la vie et, dans cette quête du sens, le bien-être spirituel est associé étroitement à des éléments comme la relation à soi et aux autres, à l’épanouissement, à la transcendance et à des sentiments de paix, de joie, de liberté et de confort. Chez les personnes les plus vulnérables, la maladie a mis à mal tout ça et nous ne savons pas bien évaluer et considérer un tel état de détresse spirituelle chez un patient et y répondre.

Il me semble essentiel de favoriser l’évaluation systématique de cet état de détresse spirituelle lié au vécu de la maladie et ainsi pouvoir mettre en œuvre des interventions visant le bien-être spirituel, intégrées et en cohérence avec le plan de soins. Des interventions qui sont justement orientées sur l’impact de la maladie dans la vie du patient autour des questions de perte de sens et de cohérence, de perte de liens et de relations, de finitude.

 

Pour en savoir plus sur ce C.A.S.