L’avènement du corps

Hervé Juvin, Paris, Gallimard, 2005, 256 p. 

Pour la première fois, en 2005, l’espérance de vie moyenne des Françaises et des Français dépasse 80 ans. Elle était de 46 ans en 1900. Une petite Française sur trois née depuis 2000 vivra plus de cent ans. La perspective d’assurer à 80 % d’une classe d’âge quatre-vingts ans de vie sans maladie, déficience ou handicap graves, est proche.
Le corps humain est la plus grande invention de ce début de millénaire. La médecine l’a délivré de la souffrance. La richesse et la paix l’ont doté d’un capital d’années sans précédent. La nouvelle morale de la beauté et de la séduction lui promet une jeunesse qui n’en finit plus. La révolution des mœurs lui en fait un devoir. Et il rêve d’immortalité sur les décombres des religions et des idéologies. Délivré de la peur des dieux, de la guerre et de la mort, ce corps s’installe en surplomb de nos choix individuels et collectifs. Pour la santé, la sécurité, le bien-être, contre la dégradation de l’environnement, une demande durable et forte de régulation, de contrôle, de pouvoir, se fait jour.
De sorte que c’est à une nouvelle centralité sociale, économique et politique que renvoie l’avènement du corps. Il réinvente le pouvoir, la transmission, l’argent. Sans doute vivons-nous l’émergence d’une nouvelle condition humaine. Après l’avènement du corps, jamais plus être homme et femme, mère ou père, amant et amante n’auront le même sens.