L’adieu au corps

David Le Breton, Paris, Metailié, 1999, 237 p.

« L’extrême contemporain » condamne le corps, « si peu à la hauteur des avancées technologiques de ces dernières décennies », un corps qui de plus en plus est vécu comme un membre surnuméraire qu’il faudrait supprimer. Dans le discours scientifique contemporain, le corps est pensé comme une matière indifférente, simple support de la personne. Pour passer du corps brouillon au corps accessoire, on doit se livrer à un bricolage sur soi à base de prothèses chimiques. Alors que certains biologistes rêvent d’éliminer la femme d’un bout à l’autre de la gestation, la cybersexualité réalise pleinement cet imaginaire de la disparition du corps et même de l’autre. La techno-science sert à « rectifier une matière première » qu’il faut agencer autrement : le soupçon à l’encontre du corps s’instaure et la médecine devient un biopouvoir.

L’Adieu au corps est un constat terrible et argumenté de cette volonté du monde occidental qui veut transformer, voire liquider ce corps brouillon ; il montre par l’analyse comment se bouleverse à grandes enjambées l’univers symbolique qui jusque-là construisait la cohérence du monde.