Au bonheur des morts. Récits de ceux qui restent

Vinciane Despret, Paris, La découverte, 2015, 232 p. 

« Faire son deuil », c’est l’impératif qui s’impose à tous ceux qui se trouvent confrontés au décès d’un proche. Mais se débarrasser de ses morts est-il un idéal indépassable auquel nul ne saurait échapper s’il ne veut pas trop souffrir ?

Vinciane Despret a commencé par écouter. « Je disais : je mène une enquête sur la manière dont les morts entrent dans la vie des vivants ; je travaille sur l’inventivité des morts et des vivants dans leurs relations. »

Une histoire en a amené une autre. « J’ai une amie qui porte les chaussures de sa grand-mère afin qu’elle continue à arpenter le monde. Une autre est partie gravir une des montagnes les plus hautes avec les cendres de son père pour partager avec lui les plus beaux levers de soleil. À l’anniversaire de son épouse défunte, un de mes proches prépare le plat qu’elle préférait, etc. »

L’auteure s’est laissé instruire par les manières d’être qu’explorent les morts et les vivants, ensemble ; elle a appris de la façon dont les vivants qu’elle a croisés se rendent capables d’accueillir la présence des défunts. Chemin faisant, elle montre comment échapper au dilemme entre « cela relève de l’imagination » et « c’est tout simplement vrai et réel ».

Depuis un certain temps les morts s’étaient faits discrets, perdant toute visibilité. Aujourd’hui, il se pourrait que les choses changent et que les morts deviennent plus actifs. Ils réclament, proposent leur aide, soutiennent ou consolent… Ils le font avec tendresse, souvent avec humour.

On dit trop rarement à quel point certains morts peuvent nous rendre heureux !

À propos de l’auteure 

Vinciane Despret est philosophe, chercheuse au département de philosophie de l’université de Liège. Elle est l’auteure de plusieurs livres sur la question animale qui font référence, notamment Bêtes et hommes (Gallimard, 2007) et Penser comme un rat (Quae, 2009). Elle a également publié, avec Isabelle Stengers, Les Faiseuses d’histoires. Que font les femmes à la pensée ? (La Découverte, 2011) et Que diraient les animaux… si on leur posait les bonnes questions ? (Les Empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 2012,2014).

Recension

Par Paulo Rodrigues in Revue théologique de Louvain 49/3 (2018) p. 419

Vinciane Despret (1959-), licenciée en psychologie (1983), docteur en philosophie (1997) spécialisée en philosophie des sciences et professeure à l’Université de Liège, propose ici une originale réflexion sur les défunts et le deuil, travail reconnu par l’attribution du prix des Rencontres philosophiques de Monaco 2016. Dans ce remarquable ouvrage, l’A. se propose d’analyser les liens qui s’établissent entre « ceux qui restent » et « ceux qui ne partent pas tout à fait ». Puisque « les morts font de ceux qui restent des fabricateurs de récits » (p. 23-24), l’A. se propose du point de vue méthodologique de suivre ces récits pour se laisser instruire sur les manières dont les vivants font leur deuil et construisent de nouveaux liens avec les morts. Un livre passionnant, magistralement écrit et construit, qui croise l’expérience vécue et le récit personnel avec les apports des sciences humaines comme l’ethnologie, l’anthropologie, la sociologie et la psychologie. Le lecteur passionné de cette démarche trouvera à la fin une bibliographie sélective lui permettant de poursuivre son « enquête ». Ce livre « au bonheur des morts » fera aussi le bonheur des vivants !