Compagnonnage

Définition proposée par Agathe Brosset, titulaire d’une thèse de doctorat en théologie pratique et auteur du livre Une Église de la rencontre.

 

La rencontre se trouve au cœur de tout projet pastoral ecclésial, expression d’une disponibilité pour une présence fraternelle et respectueuse. Là peut prendre forme un chemin de compagnonnage dont nul ne sait jusqu’où il pourra conduire l’un et l’autre des compagnons. Le récit de la rencontre entre Philippe et un éthiopien (Ac 8,26-40) en décrit la symbolique : monter dans le char de « l’étranger », se faire compagnon de route le temps qu’il faut, puis, « disparaître » en laissant chacun des partenaires de la rencontre disponibles pour d’autres compagnonnages.

 

Ce compagnonnage se distingue de l’accompagnement (bien que les deux mots soient souvent utilisés, à tort, l’un pour l’autre), même si, dans l’une et l’autre situation, il s’agit de demeurer « aux côtés de »  sur un chemin parcouru ensemble.

  • Une première différence apparaît quant à la nomination des partenaires. L’accompagnement les qualifie différemment : accompagnateur et accompagné, ce qui induit une asymétrie, même sur fond de commune humanité impliquant sollicitude fraternelle. Le compagnonnage ne connaît que des compagnons et des compagnes.
  • Deuxième différence : l’entrée dans une démarche d’accompagnement suppose la décision, de la part de l’accompagné, de faire une demande explicite à une structure institutionnelle précise, habilitée pour y répondre et représentée par l’accompagnateur. L’accompagnement s’achève avec la réalisation du projet et des objectifs formulés ensemble*. Le compagnonnage advient dans l’imprévu de la rencontre. Il se développe dans le partage entre pairs. Il dure le temps d’une volonté commune ou le temps de la situation qui a favorisé la rencontre.

 
Le compagnonnage fait corps avec la symbolique du chemin. Au départ, il est rencontre de deux chemins, de deux histoires. Lorsque cette rencontre se donne un lendemain, les compagnons commencent à faire route ensemble, à égalité d’humanité, dans la diversité de leurs convictions  et dans le partage de cette altérité. Aucun ne sait jusqu’où le chemin le conduira, ni le temps que durera l’invention de la route commune. Mais sur fond de confiance et d’estime mutuelles, chacun expérimente la transformation de son propre cheminement intérieur.

 

Le compagnonnage favorise au fil du temps la construction d’un lien fort entre les personnes : liens d’alliance, de fraternité qui se fortifient par la grâce du partage du chemin et de tout ce qui le constitue.

 

* Par exemple, un soutien particulier dans une situation difficile de réconciliation à accepter ou de fin de vie à envisager…